La progression du bio dans les habitudes alimentaires des Français

La progression du bio dans les habitudes alimentaires des Français

Robert Ientile
Robert Ientile

Parfaite illustration du mouvement de panique qui a saisi les Français à l’annonce du confinement en mars 2020, la réponse de cette femme sortant d’un hypermarché au journaliste qui lui demandait ce qu’elle avait mis dans son caddie bourré à craquer : « J’en sais rien, j’ai pris n’importe quoi ! ». Peu de chances que les produits bios fassent partie de ce « n’importe quoi »… Mais passée la crainte hystérique des pénuries alimentaires, les Français ont dû réajuster leurs habitudes d’achat aux restrictions sanitaires. Dans quelle mesure la consommation de produits bio a-t-elle (ou pas) tiré profit de cette reconfiguration ? Les changements observés sur la période sont-ils purement conjoncturels ou bien sont-ils révélateurs de changements en profondeur ?

Une prime à la proximité qui profite aux enseignes bio

Si l’on regarde les chiffres de mars 2020, on constate que les ventes de produits alimentaires ont significativement augmenté (réflexe de stockage, assignation à demeure avec l’interdiction de se déplacer, fermeture des restaurants, télétravail et école à la maison), et cela clairement au profit des commerces de proximité :

+ 20,4% pour les grandes surfaces / + 53,2% pour les commerces classiques de proximité / + 35,2% pour les magasins bios de proximité.

Si l'on examine de plus près les marques bio dont l'activité a augmenté au cours de la même période, on constate de légères augmentations chez tous les concurrents. Si nous nous concentrons sur les parts de marché au cours de l'année entière, nous constatons que Biocoop prend une part importante du marché, suivie d'une course serrée entre La Vie Claire et Naturalia.

Face à la crise, le désir de reprendre le contrôle sur le contenu de son assiette…

La remarquable montée en puissance des enseignes bio, si elle s’appuie en partie sur un report des achats bio jusque-là effectués en grande surface ou sur les marchés de plein air, témoigne plus significativement d’une accélération de la croissance du secteur, boostée par ce qu’on pourrait appeler le syndrome de la vache folle :  on observe depuis des années qu’à chaque crise sanitaire majeure (vache folle, scandale des OGM, fraude à la viande de cheval…) les consommateurs se tournent instinctivement vers une alimentation plus contrôlée.

… qui ne passe pas que par le bio

Les chiffres montrent cependant que la majorité des amateurs de bio sont des petits consommateurs (63.9%), volatiles, qui font en moyenne une visite par mois en magasin bio tout en fréquentant des enseignes classiques. D’un côté, on doit y voir une tendance à la démocratisation de la consommation bio. De l’autre, on peut convenir que l’attrait pour le bio reste encore mesuré et s’inscrit plutôt, sur fond d’incontournables arbitrages économiques, dans une envie globale de privilégier la santé, le bien-être et le naturel via une alimentation plus raisonnée.

Petits = 1 achat par mois, Moyens = 2/3 achats par mois, Grands = plus que 3 achats par mois

Ce qui passe par le bio bien sûr, mais aussi par d’autres promesses alternatives : appétence accrue pour les producteurs locaux et les circuits courts, qui combinent garanties sanitaires, aspirations écologiques, éthiques ou sociales, et bénéfices économiques ; regain du fait-maison ; tentation du véganisme, …

Les amateurs de bio prennent le métro !

Enfin, dernier point significatif, les clients des enseignes bio sont souvent des citadins, et même des franciliens, ce qui s’explique d’une part par la plus forte concentration d’enseignes bios dans les grandes villes, d’autre part par le niveau plus élevé de leur pouvoir d’achat. L’amateur parisien de produits bio s’approvisionne aussi chez Monoprix, Franprix et Picard, qui sont des enseignes plutôt urbaines, à tendance moyen et haut de gamme, il aime faire ses achats culturels à la FNAC et il est un fidèle de la RATP !

Quelles perspectives pour le bio dans le monde d’après ?

La crise sanitaire a accéléré, dans les faits comme dans les consciences, le virage vers la transition alimentaire. Et les enseignes bio ont clairement une carte à jouer dans ce mouvement, mais à deux conditions : d’une part elles doivent améliorer leur compétitivité sans pour autant renoncer aux exigences de leurs cahiers des charges, d’autre part elles doivent sortir de leurs niches urbaines pour développer davantage le digital et le local. Un double défi que s’emploient à relever, dans un environnement de plus en plus concurrentiel, les nombreux acteurs du secteur.


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