Hôtellerie, tourisme, voyages : comment garder le cap dans un brouillard d’incertitudes
Touchés par les restrictions sanitaires, comment les acteurs français du tourisme, du voyage et de l’hôtellerie ont-ils traversé la tourmente, entre mises à l’arrêt forcé, zones de turbulences et périodes d’accalmie ? Quelles éclaircies s’annoncent (ou pas) pour un redécollage à l’horizon 2021 ?
Un secteur particulièrement sinistré
Premier constat, et qui n’a rien d’étonnant : les chiffres de l’hôtellerie et de la location touristique ont dégringolé en 2020, les acteurs les plus touchés étant les géants de l’e-tourisme comme Expedia ou Booking.com, très tournés vers l’international : si l’on compare janvier-février 2020 et janvier-février 2021, on constate que leur chiffre d’affaires a été divisé quasiment par 10 ! Beaucoup plus résilients, le groupe Accor et la plateforme Airbnb sont quant à eux de très honorables gagnants parmi les perdants. Comment l’expliquer ?
Le groupe hôtelier Accor sauve les meubles
Si l’on compare à nouveau janvier-février 2020 et janvier-février 2021, il apparaît que, malgré un chiffre d’affaires divisé par 2, ce qui correspond à la baisse moyenne du secteur, Accor a su conserver ses parts sur le marché français (13,1%). Pendant toute la crise, et moyennant la mise en œuvre d’une politique tarifaire flexible, de protocoles sanitaires stricts et de solutions alternatives comme la vente à emporter dans la chambre pour la restauration, le groupe a pu miser sur la relative assiduité de sa clientèle d’affaires pour encaisser les infidélités de sa clientèle touristique. Sans oublier la solidité financière du groupe, un atout qui a cruellement manqué aux établissements indépendants souvent obligés de fermer, faute de turnover suffisant.
Airbnb : la prime à la proximité
79,8% des parts de marché en janvier-février 2021 vs 56% en janvier-février 2020, une baisse du chiffre d’affaires limitée à moins de 12% entre février 2020 et février 2021, une forte reprise en juin, juillet et août avec la levée du confinement et l’arrivée de l’été : Airbnb est clairement le (relatif) gagnant de la crise ! Et une fois encore, tout se passe comme si les restrictions liées à la pandémie avaient finalement révélé et accéléré des tendances de fond : la fermeture des frontières a réorienté la clientèle française vers un tourisme de proximité, qui a en partie compensé la désertion des étrangers ; la généralisation du télétravail a attiré les familles vers le bon air des campagnes ; la fermeture des remontées mécaniques a fait redécouvrir aux citadins les charmes de l’hiver à la plage ; la peur du COVID, la fermeture des restaurants et les couvre-feux avancés ont favorisé un repli sur le « home sweet home » de la location individuelle ; l’incertitude économique a encouragé la location en meublé de moyenne ou longue durée… À l’affût de toutes ces tendances, la plateforme a su parfaitement ajuster son offre et son discours auprès des clients comme des hébergeurs.
Vers un nouvel équilibre du mix ferroviaire/aérien ?
Sans surprise, et pour les mêmes raisons, le secteur des transports a été lourdement pénalisé en 2020, et l’on observe, avec sensiblement les mêmes fluctuations sur l’année, la même tendance au repli sur la maison France : pris dans sa globalité, le chiffre d’affaires des transports a baissé de 48% en janvier-février 2021 vs janvier-février 2020. On constate cependant que la SNCF s’en sort beaucoup mieux que les compagnies aériennes : Air-France a perdu 63% de son CA, la SNCF 25% seulement. Au final, en janvier-février 2020, la SNCF avait 55,6% des parts de marché, sur la même période en 2021, elle est à 72%. Si l’atonie du segment du voyage d’affaires international et la fermeture des frontières ont cloué au sol des flottes entières d’avions dans le monde entier, il ne faut pas oublier non plus qu’Air-France a monnayé les aides de l’État contre l’engagement à renoncer aux vols intérieurs pour des trajets de moins de 2 h 30 en train.
Après une année très mouvementée, les acteurs de l’hôtellerie, du tourisme et du voyage sont encore contraints d’adapter en permanence leur offre aux fluctuations d’une demande qui elle-même doit s’ajuster aux soubresauts de la COVID et aux décisions réglementaires qui s’emploient à le juguler. Cela en gardant le cap sur la vaccination et l’éventuel passeport sanitaire qui devraient enfin relâcher la pression sur leurs activités. Un espoir cependant tempéré par Jean Castex qui a prévenu le 15 mars sur Twitch que les vacances de l’été 2021 ne seraient « pas complètement normales ». Le flou reste de mise !
Méthodologie
Les données de cet article sont basées sur l’analyse des achats effectués par carte en France auprès des enseignes étudiées jusqu’au 28/02/2021. Elles sont anonymisées et proviennent uniquement des cartes “principales” des consommateurs inscrits sur les programmes de nos partenaires (banques, fintechs, compagnies d'assurance et programmes de récompenses).