IKEA mise sur la puissance de son « expérience client » pour traverser la tempête

IKEA mise sur la puissance de son « expérience client » pour traverser la tempête

Comment le géant du meuble a-t-il réagi à la fermeture de tous ses magasins sauf deux ? La concurrence avec les magasins de plus petite taille a-t-elle entraîné une augmentation de l'activité depuis la mise en place des nouvelles mesures ?

Robert Ientile
Robert Ientile

« Suite aux dernières annonces gouvernementales, nous devons fermer les portes de tous nos magasins dès le dimanche 31 janvier 2021, à l’exception de notre magasin de Vélizy et de l’atelier de conception de Nice » : c’est avec ce message laconique publié sur les réseaux sociaux qu’IKEA a pris acte d’une décision pourtant très pénalisante.

Comment le géant suédois a-t-il encaissé la brutalité de ce nouveau coup dur et organisé sa riposte ? Comment BUT et Conforama, ses principaux concurrents sur le marché français, ont-ils profité (ou pas) de cette défaillance de l’ennemi pour lui prendre des parts de marché ? Enfin, quelles leçons tirer de cette rude mise à l’épreuve des champions du marché de l’ameublement en France ?

IKEA : le web et la logistique amortissent le choc de la fermeture des magasins

À mesure radicale effets radicaux : la fermeture de 32 magasins IKEA sur 34 a fait chuter de 93% le CA des ventes physiques sur la première semaine de février 2021 par rapport à la dernière de janvier, tandis que sur la même période le CA des ventes en ligne augmentait de 127%, et même de 148% si l’on considère les deux premières semaines de février. Résultat net : une baisse de 58% du CA sur la première semaine de février par rapport à la dernière de janvier, et de 52% pour les deux premières semaines de février.

(base 100 = 1ère semaine 2021)

De gros dégâts donc pour le leader du marché de l’ameublement en France, mais une casse relativement limitée grâce à la poussée spectaculaire des ventes en ligne, qui affichent un panier moyen nettement supérieur à celui des ventes physiques.

Il faut dire que l’enseigne avait déjà largement entamé sa transition digitale avec 10% de ventes en ligne en 2019 et 15% en 2020 (soit l’équivalent de 6 magasins). Un succès qui s’appuie sur une forte diversification des points de contact avec le client : développement de la livraison à domicile ; déploiement de 8000 points relais pour la livraison des petits articles et de 150 points de retrait pour les plus volumineux ; mise en place du « Click and collect » au pied des véhicules sur les parkings des magasins. Autres services proposés pour garder le lien avec le client : la conception de cuisine en visioconférence, ou le prolongement des délais de retour et de la validité des cartes cadeaux. C’est ainsi qu’au 31 janvier, la direction d’IKEA pouvait sereinement afficher cette promesse sur les réseaux sociaux : « Vous allez nous manquer, mais nous continuons à livrer vos achats en ligne partout en France » !

Reste que le parcours client en magasin IKEA est si prisé des consommateurs qu’il convient de leur offrir une expérience aussi attractive sur le site web pour les y entraîner plus massivement. Trouver le bon équilibre et la continuité entre magasins et web est aujourd’hui au cœur de la stratégie omnicanale de l’enseigne suédoise.

BUT et Conforama : pas facile de transformer l’essai face au leader du marché

Le choc de la fermeture des établissements de plus de 20 000 m2 a été moins violent pour BUT et Conforama, dont le CA a baissé respectivement de 22 et 32% pour la première semaine de février (-58% pour IKEA), tout simplement parce que les deux enseignes fonctionnent avec des magasins plus petits et souvent hors centres commerciaux, donc moins concernés par ces mesures. Sans compter que le manque à gagner des fermetures de magasins a été en partie compensé par la salutaire bouffée d’oxygène des soldes : le marché de l’ameublement et de la décoration a été un des grands bénéficiaires de la crise sanitaire et la politique de prix cassés pratiquée par les deux enseignes a été très payante. Au final, après un pic au début des soldes (troisième semaine de janvier), on constate une hausse du CA de 16% pour BUT et 20% pour Conforama (-52% pour IKEA) si l’on considère les deux premières semaines de février par rapport aux deux premières de janvier.

(base 100 = 1ʳᵉ semaine 2021)

Des résultats honorables donc, mais qui n’ont rien d’exceptionnel au regard de l’incroyable opportunité qu’aurait pu/dû constituer pour les deux compétiteurs la fermeture des magasins IKEA. Pas si facile en fait de capter, sinon à la marge et ponctuellement, une clientèle volatile à 32% seulement (quand la moyenne pour le secteur est de 56%) et qui compte près de 10 millions de clients fidèles détenteurs de la carte IKEA Family. On en revient toujours à la fameuse expérience client : une expédition chez IKEA, malgré toutes les contraintes qu’elle impose en termes de déplacements, parkings, manutention, temps d’attente, queues aux caisses… s’apparente plus à une joyeuse sortie en famille qu’à un simple achat de canapé ou de lampe. C’est sans doute cette touche unique et inimitable qui manque (encore) à BUT et Conforama qui ont pourtant uni leurs forces en 2020 pour tenter de contrer l’inexorable progression du géant suédois.


Méthodologie

Les données de cet article sont basées sur l’analyse des achats effectués par carte en France auprès des enseignes étudiées jusqu’au 14/02/2021. Elles sont anonymisées et proviennent uniquement des cartes “principales” des consommateurs inscrits sur les programmes de nos partenaires (banques, fintechs, compagnies d'assurance et programmes de récompenses).


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