Sauver Noël : mission impossible (ou pas) ?
Qu’en est-il du « sauvetage » de Noël attendu par tous ? Redémarrage en flèche de la consommation ou tendance à un attentisme en résonance avec l’incertitude ambiante ?
Le 26 septembre, Esther Duflo et Abhijit Banerjee, tous deux prix Nobel d’économie, publiaient une tribune dans le Monde recommandant d’instaurer un confinement du 1er au 20 décembre pour « sauver Noël ». Ils passaient alors pour d’ennuyeux rabat-joie, voire des incompétents ou des inconscients, complètement hors-sol. Deux mois plus tard, retour au réel : le COVID est toujours là, et le sauvetage de Noël est devenu la grande affaire !
Politiques, corps médical, responsables religieux, familles, commerçants, directeurs d’EHPAD, de stations de ski ou de théâtres, marchands de sapins, producteurs d’huîtres ou de foie gras : ils veulent tous sauver Noël (et au passage sauver leur peau), au risque de soumettre ceux qui nous gouvernent à de périlleuses injonctions paradoxales et de nous contraindre à un épuisant stop’n go mental.
Comment cela se traduit-il dans les comportements d’achat ? Retour sur une quinzaine marquée par deux dates-clés : la réouverture des magasins le samedi 28 novembre et le Black Friday le 4 décembre.
Commerces « non essentiels » : une réouverture sous haute surveillance
À l’issue d’un intense lobbying auprès du gouvernement, les commerces non essentiels ont ré-ouvert leurs portes dès le samedi 28 novembre, trois jours avant la date initialement prévue et une petite semaine avant le Black Friday, exceptionnellement reporté au 4 décembre. En guise d’accueil, un protocole sanitaire renforcé, visant – subtil équilibre – à rassurer les clients sans les contraindre ni les angoisser… Résultat des courses : il y a bien eu pic de consommation le 28 novembre, avec des hausses dans tous les secteurs, notamment ceux de la mode et de la beauté qui ont connu une augmentation spectaculaire de respectivement 564 % et 193 % sur une seule journée. On constate aussi (et plus étonnamment) une légère hausse dans le secteur des déplacements longue distance (+ 6.5%) comme si ce début de liberté retrouvée réveillait notre envie de changer d’horizon. En tout cas, un sursaut de consommation salutaire, même si très vite suivi d’un retour à la normale.`
Un attentisme en phase avec l’incertitude de la période
Si l’on fait maintenant un comparatif sur deux ans, on observe que le bilan de la quinzaine « Black Friday » 2020 avoisine au final celui de l’édition 2019, avec un indice global PayLead Pulse en léger retrait (122 vs 128, soit -5%), alors que la réouverture des magasins aurait dû créer un gros appel d’air. Et si l’on regarde de plus près, il apparaît que ce différentiel recèle de fortes disparités. Pour des raisons évidentes, la restauration, les déplacements longue distance et le tourisme marquent un net recul en 2020 (-35%, -44% et -61%), tandis qu’inversement le très en vogue bricolage poursuit sa progression (+13%) et la livraison de nourriture à domicile explose (+ 88%). Pour le reste, on constate une baisse significative du secteur de la mode (-9%) et beaucoup plus nette du secteur de la beauté (-27%), sans oublier les retraits de cash qui ont reculé de 25%.
Autant dire que l’ambiance n’est pas franchement festive : plus l’échéance approche, plus, semble-t-il, les Français ont du mal à se projeter dans ce Noël de tous les dangers que pourtant ils s’épuisent à sauver… Tout se passe comme si déjà ils n’y croyaient plus (ou presque), préférant avancer masqués vers la nouvelle année, tout en remplissant prudemment leurs bas de laine.